Le milieu urbain se caractérise par des températures plus élevées, une durée d’éclairement plus important liée aux éclairages artificiels, une réduction très importante du couvert végétal et la présence de nombreux polluants liés aux activités humaines. Ces caractéristiques jouent le rôle de filtre pour la biodiversité : si certaines espèces tirent avantage de ce type d’habitat et voient leur population croître, beaucoup d’autres périclitent ou sont présentes de manière sporadique conduisant à un déclin global de la biodiversité et de la richesse spécifique en ville. Les espèces qui réussissent à maintenir des populations en milieu urbain sont qualifiées d’ « adaptateur urbain ». Néanmoins, dans diverses études, des divergences phénotypiques sur des traits biologiques comme le succès reproducteur, la morphologie ou la physiologie ont été observées entre les populations urbaines et non urbaines, notamment chez les espèces d’oiseaux insectivores. Ces divergences phénotypiques et physiologiques pourraient refléter soit une adaptation à ces nouvelles contraintes environnementales soit à des effets négatifs de l’urbanisation.
Nous avons voulu répondre à cette question générale en nous intéressant à une espèce d’oiseau insectivore en Alsace qu’est la mésange charbonnière (Parus major). Nous avons débuté un suivi populationnel de cette espèce en 2014 en équipant de nichoirs différentes zones urbaines et périurbaines de l’Eurométropole de Strasbourg (8 zones) ainsi que la partie forestière de la Wantzenau (380 nichoirs). Nous avons déjà montré que les contraintes liées à l’urbanisation semblent être principalement liées à la réduction du couvert végétal qui limite la disponibilité de nourriture pour les passereaux. En outre, certains paramètres de la reproduction dépendent des effets additifs des conditions météorologiques et de l’environnement urbain. Ainsi, le nombre de poussins produits étant systématiquement plus faible en ville et invariant entre les années, ce résultat suggère un seuil de performance de reproduction que les parents ne peuvent pas dépasser. Nous montrons que les villes agissent comme un filtre dans lequel seuls les adultes de mésanges charbonnières considérés comme étant de bonne qualité (l’indicateur utilisé ici est la longueur relative de télomères) survivent et parviennent à se reproduire avec succès, quelle que soit l’année, alors que dans la forêt, la sélection ne se produit que pendant les années de mauvais temps.
A partir de 2021, ces questions ont pu être étendues sur d’autres sites (Dijon, Montpellier et Toulouse avec la dichotomie ville/forêt) grâce au soutien financier de l’ANR URBANTIT dont S. Massemin a été la porteuse jusqu’en septembre 2024.
Cette thèse offre la possibilité de pouvoir :
– répondre à différentes questions en écologie évolutive à partir de ce suivi à long-terme initié en 2014 (reconnu et financé par le SEE-life CNRS jusqu’en 2028). Tout d’abord nous allons nous intéresser aux effets des variations des conditions climatiques sur la phénologie de la reproduction. Nous nous attendons à ce que la température ait un effet sur un début de reproduction plus précoce et soit positivement corrélée au succès de reproduction des mésanges mais que les températures extrêmes (vagues de chaleur) puissent avoir des effets délétères plus importante en ville qu’en forêt. Nous voudrions aussi étudier si l’investissement reproducteur en termes de nombre de pontes entre la ville et la forêt permettrait de mettre en évidence différentes stratégies de reproduction entre les mésanges urbaines et celles de la forêt, stratégie qui permettrait de s’adapter un environnement urbain considéré de moins bonne qualité. Il y a tout un aspect peu étudié concernant l’héritabilité des traits (par Animal model) morphologiques et physiologiques entre les parents et les poussins en ville et en forêt qui reste à explorer. La morphologie a consisté à faires des mesures de taille des individus sans oublier la masse corporelle. Les données physiologiques mesurées correspondent au stress oxydatif (défenses antioxydantes et dommages oxydatifs, dosage par photométrie) et à l’érosion des télomères (qPCR, méthode de mesure décrite dans les articles ci-dessous). Ces analyses en laboratoire sont en train d’être finalisées. Enfin, tous les oiseaux étant bagués et certains recapturés, nous pourrons nous intéresser à d’autres traits d’histoire de vie que le succès reproducteur comme la survie des individus pour avoir une vision complète des histoires de vie et pouvoir tester l’hypothèse de différents « pace of life » entre ville et forêt.
– analyser les données récoltées durant l’ANR afin d’étudier si les paramètres d’urbanisation relevés au niveau de différentes villes françaises ont les mêmes effets sur la reproduction et la physiologie des mésanges charbonnières. Pour cet aspect, les données sur la reproduction sont déjà récoltées mais n’ont pas encore été analysées. Les données physiologiques sur le stress oxydatif et la longueur des télomères des individus des différentes villes sont en train d’être finalisées et seront disponibles quand l’étudiant arrivera en octobre. La comparaison de plusieurs populations est essentielle en écologie pour comprendre la généralité des patrons observés et aussi pour pouvoir tester l’influence de différents gradients urbains (température, végétation et fragmentation de l’habitat, pollution chimique, sonore et lumineuse) sur les traits étudiés. Ces données pour les différentes villes ont déjà été obtenues sauf pour la pollution sonore et lumineuse pour laquelle le collaborateur de l’ANR responsable de cet axe est en train d’extraire les données des audiomoths (enregistreurs). In fine, cette approche comparative multi-populationnelle permettra de mettre en évidence ou pas les limites de la plasticité phénotypique et/ou de l’adaptation sur les paramètres relevés.
Présentation des moyens
-Encadrements par 2 enseignantes-chercheuses (Sylvie Massemin et Josefa Bleu)
-Financement de SEE-life sur 4 ans
-Base de données à traiter acquise à 90%
Enjeux du projet
L’enjeu du projet est d’étudier les réponses adaptatives des oiseaux à des contraintes environnementales urbaines et de montrer les limites de ces adaptations à travers une étude multi-sites au niveau national
Prérequis
– Connaissances fondamentales en écologie, évolution et physiologie
– Maîtrise d’un logiciel statistique (de préférence R) et avoir de bonnes connaissances théoriques en statistiques (modèles mixtes, CMR…)
-Avoir un goût prononcé pour l’analyse de données
– Rigueur et précision pour le travail de laboratoire
– Travail en équipe
Expertises qui seront acquises : 600 signes max
– Connaissances approfondies en écophysiologie et écologie évolutive
– Expertise de terrain en écologie chez les oiseaux dans le cadre du suivi à long terme
– Rédaction articles scientifiques
Contactez Sylvie Massemin (sylvie.massemin@iphc.cnrs.fr) et Josefa Bleu (josefa.bleu@iphc.cnrs.fr) en joignant à votre mail un CV et une lettre de motivation afin que l’on organise rapidement un entretien en visio si vous présentez les prérequis demandés.
La personne retenue devra présenter le concours de l’école doctorale dont les oraux se feront la semaine du 7 juillet à Strasbourg. La préparation à ce concours devra se faire en amont au sein de notre laboratoire afin d’optimiser les chances de réussite.
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