Doctorat en écophysiologie et écotoxicologie (Université de Mayotte)
Discipline/Domaine : Ecophysiologie, écotoxicologie
Mots-clés : Espèces ingénieurs, continuum terre-mer, marqueurs individuels, fonctions écologiques,
écophysiologie, écotoxicologie

Résumé du projet de thèse :

L’île de Mayotte connaît une très forte croissance démographique (+ 80% entre 2002 et 2021), avec près de 310 000 habitants en 2021 (INSEE). Cette surpopulation mène à un déclin de l’utilisation du mode de culture traditionnel et durable appelé « jardin mahorais » au profit de monocultures (bananes, manioc) afin d’augmenter la production vivrière (Foucher et al., 2024). En conséquence, une utilisation de PPPs non contrôlée est observée, doublée d’une diminution drastique du couvert forestier lié à une urbanisation non maîtrisée. Ces changements ont entraîné une accélération de l’érosion des sols et un transfert excessif de sédiments et des contaminants associés dans les écosystèmes aquatiques le long du continuum terre-mer (cours d’eau, mangroves, lagon).
Ainsi, entre 2016 et 2023, ce sont en moyenne 21 585 tonnes de sédiments qui sont déversés vers le lagon de Mayotte (Desprats et al., 2023). Dans ce contexte, les mangroves représentent des zones de transition très importantes dans la limitation de l’envasement et de la contamination des écosystèmes récifaux lagonaires sensibles (transfert des contaminants dans les matrices abiotiques eau/sédiment et biotiques via les chaînes trophiques). Le fonctionnement des écosystèmes de mangrove et les fonctions écologiques qui leur sont communément associées (maintien de la qualité de l’eau via la filtration des contaminants et piégeage des sédiments, du carbone organique, de l’azote et du phosphore,
…) reposent en partie sur les processus de bioturbation réalisés par les organismes colonisant ces écosystèmes (crabes fouisseurs, se nourrissant de litière, gastéropodes herbivores, …) (Cannicci et al., 2008). Ils sont décrits comme des ingénieurs de l’écosystème (Kristensen, 2008) en raison de leur capacité à modifier l’environnement en transformant des matériaux vivants ou non vivants d’un état physique à un autre, par des moyens mécaniques ou autres (Jones, Lawton, & Shachak, 1994).
Cette thèse repose sur l’hypothèse que l’état de santé de ces organismes pourrait être perturbé par l’exposition chronique à des contaminants associés aux flux de sédiments de plus en plus importants, et pourrait à terme engendrer une modification de leur activité bioturbatrice, et donc du fonctionnement des écosystèmes de mangroves. Il a été récemment reporté que parmi les études qui s’intéressent aux effets des pesticides sur les organismes et les populations, seules celles qui portent une réflexion sur la performance individuelle, l’état de santé global ou la fitness, peuvent avoir une portée prédictive à l’échelle du fonctionnement de l’écosystème (Mamy et al., 2022). Dans ce contexte, il apparaît alors important de poursuivre le développement de marqueurs individuels capables de traduire l’activité des organismes dans l’écosystème (« à portée écosystémique ») dès lors qu’on souhaite étudier leur contribution à la réalisation des fonctions écologiques telles que la bioturbation, la filtration, ou la dégradation de la matière organique.
Le projet de thèse sera prioritairement centré sur l’étude des crabes de mangroves, organismes étudiés depuis plus de 10 ans à l’UMAY, pour lesquels ont été développés des biomarqueurs individuels à portée écosystémique (comportement des individus et activité bioturbatrice). Secondairement, le travail de thèse pourra intégrer le développement d’autres biomarqueurs individuels chez une espèce d’éponge des récifs coralliens, via l’étude de sa capacité de filtration.
Le/la doctorant(e) sera amené à développer des protocoles permettant de mesurer la capacité des organismes ingénieurs à réaliser les fonctions écologiques mentionnées plus haut. Une approche expérimentale en conditions contrôlées, avec des expositions chroniques à des contaminants préalablement identifiés dans l’environnement sera utilisée. Parallèlement, d’autres biomarqueurs permettant d’évaluer l’état de santé individuel seront sélectionnés et étudiés (histopathologie, dommages oxydatifs, taux métabolique, …).

Objectifs :
Le travail de recherche se déroulera en plusieurs étapes pour atteindre les objectifs suivants :

I. Caractériser les contaminants présents dans différentes matrices biologiques des mangroves et des
récifs coralliens frangeants.
Un screening des contaminants organiques présents dans le milieu aquatique le long du continuum terre-mer sera réalisé, en partenariat avec le plateau technique de l’équipe ContEm (UMR HSM Montpellier) à l’Université de Montpellier.
Des prélèvements d’eau et de sédiments seront réalisés le long du continuum terre-mer (rivière – mangrove – lagon) ainsi que des mesures en temps réel de la turbidité et des MES. Cet axe ne constitue pas le cœur du travail de thèse, car les analyses ne seront pas réalisées par le(la) doctorant(e), mais les résultats conditionneront certains choix des objectifs 2 et 3 et les prélèvements représenteront une phase de terrain importante.
Concernant les matrices dites « biologiques », les espèces étudiées seront, en mangrove : Scylla serrata (crabes), Crassostrea sp (huîtres) et dans le lagon : Stylissa massa, Paratetilla bacca ou Mycale sp (éponges).

II. Évaluer les effets des PPP combinés à des apports sédimentaires sur la physiologie d’espèces ingé-
nieurs de l’écosystème, de la mangrove au récif frangeant (échelle individuelle) prélevés in situ.

Il s’agira d’investiguer, à partir des échantillonnages réalisés lors de l’axe 1 (même individus dans la mesure du possible), d’éventuels dommages cellulaires et tissulaires dans les organismes prélevés, en comparant ceux du bassin versant exposé à ceux d’une zone témoin. Des biomarqueurs s’appuyant sur des techniques cytologiques et histologiques permettront d’évaluer l’intégrité de certaines cellules et tissus fortement exposés aux contaminants et aux sédiments via
l’alimentation et la respiration des organismes : hépatopancréas et branchies chez les crabes (objectif prioritaire dans la thèse), chambres choanocytaires et méshohyles chez les éponges (objectif secondaire dans la thèse).

III. Évaluer les effets de certaines molécules sur les fonctions écologiques d’espèces ingénieurs : développer des biomarqueurs individuels à portée écosystémique

L’exposition d’organismes à des contaminants, à l’échelle individuelle ou populationnelle, peut avoir des effets plus ou moins marqués sur la structure et le fonctionnement d’un écosystème. Pour tenter d’évaluer ces effets nous nous intéresserons aux variations de fonctions écologiques (définies comme les processus biologiques qui permettent le fonctionnement et le maintien des écosystèmes). Dans ce cadre nous nous concentrerons sur des espèces ingénieurs (qui par leur seule présence et activité modifient significativement à fortement leur environnement) de l’écosystème de mangrove et du platier récifal : les crabes (objectif prioritaire) et les éponges (objectif secondaire). A l’aide d’une approche
expérimentale (expositions artificielles en mésocosmes ou sur le terrain), nous évaluerons les variations des capacités de bioturbation (analyses comportementales, granulométriques, photogrammétriques) des crabes et de filtration des éponges exposés à différentes doses de contaminants et/ou des sédiments identifiés préalablement dans le cadre de l’objectif 1.

Cette thèse est adossée à plusieurs projets de recherche passés, en cours, et émergents sur le territoire ou dans la zone Ouest Océan Indien, et vise à comprendre les effets de certains contaminants d’origine anthropique retrouvés le long du continuum terre-mer sur l’état de santé d’espèces ingénieurs de l’écosystème (mangrove et récifs coralliens frangeants) d’un bassin versant de l’île de Mayotte. Ces espèces ingénieurs (crabes de mangroves) forment des populations et des communautés extrêmement importantes dans le fonctionnement des écosystèmes qu’elles colonisent, en occupant des fonctions écologiques (ingénierie écosystémique : bioturbation, filtration, …) majeures.
Elle s’inscrit plus précisément dans le cadre du projet LESELAM IV (www.leselam.com, porteur Jean-François Desprats, BRGM), au sein de l’action V «Continuum Terre-mer» portée par l’Université de Mayotte selon une approche transdisciplinaire (Géographie, géologie, écologie, écotoxicologie, écophysiologie). Des synergies seront trouvées avec les chercheurs d’autres disciplines également impliquées sur le projet (géomorphologie, géologie, écologie moléculaire par exemple).
Le projet LESELAM (financement FEADER), lancé en 2015 dans le cadre de la feuille de Route Érosion
Mayotte, a pour objectifs généraux :
– La compréhension et la quantification des processus d’érosion ;
– L’identification des zones à risque prioritaires pour la mise en place de mesures de protection ;
– La prévention et la remédiation ;
– La mise en place de la stratégie urbaine de lutte contre l’érosion des sols.
Le projet LESELAM IV (2024-2027) intègre une action « continuum terre-mer », trait d’union entre les volets terrestres du projet et le volet « lagon » (projet ENVALAG, Université de Mayotte, 2019-2021, porteur Matthieu Jeanson).
Les objectifs de cette action sont de développer des outils et une méthodologie permettant de faire le lien entre le(s) types d’utilisation(s) des sols, l’érosion et les apports de contaminants vers les rivières, et l’état écologique des écosystèmes aquatiques et marins en aval, à l’échelle d’un bassin versant. C’est donc au sein de ces objectifs que s’inscrit le présent sujet de thèse.
De plus, le passage dévastateur du cyclone Chido a engendré de multiples conséquences directes et indirectes sur les écosystèmes aquatiques et côtiers de Mayotte, s’ajoutant aux problématiques déjà mentionnées : arbres arrachés, glissements de terrain, replantations rapides sur sols nuls, sans compter les centaines de tonnes de déchets stockés et/ou incinérés dans l’urgence sur l’ensemble du territoire. Cette thèse s’inscrit donc également dans ce contexte très récent, où les efforts de recherche transdisciplinaires doivent être renforcés. L’approche concernant l’impact des contaminants d’origine anthropique sur des espèces ingénieurs de l’écosystème à quant à elle commencé à être développée au cours du projet MANMAC (Impact des apports nutritifs d’origine anthropique sur le fonctionnement des mangroves insulaires. Définition d’indicateurs de suivi du compartiment macrofaune (2018-2021, Université de Mayotte, financement
TAAF Consortium îles Eparses, porteur Elliott Sucré)).
Par la suite, le projet CRABMAYO s’est intéressée à l’impact des pesticides retrouvés le long du continuum terre-mer et leurs impacts sur le comportement et la physiologie des crabes de mangrove (Risques sanitaires et environnementaux associés à l’utilisation de pesticides en milieu insulaire. Utilisation d’indicateurs « crabes » dans les mangroves de Mayotte ; 2020 – 2024, UMAY, financement ANSES PNR EST, porteur Elliott Sucré).

Profil et compétences recherchées

• Master 2 dans les domaines de l’écologie, l’écophysiologie, ou l’écotoxicologie appliquées aux écosystèmes aquatiques
• Maîtrise des techniques de laboratoire : dilutions, préparations de solutions, utilisation d’un spectrophotomètre, système de respirométrie, histologie…
• Intérêt pour le design expérimental, la maintenance d’animaux en salle d’élevage et sensibilisation au bien-être animal
• Connaissance d’un ou plusieurs systèmes d’analyses comportementales (Ethovision notamment)
• Intérêt et bonne condition physique pour le travail de terrain (en forêt, en rivière, en mangrove, et si possible en mer) en milieu tropical
• L’obtention du CAH 0B à minima serait un plus mais une formation est envisageable
• Les analyses comportementales et photogrammétriques nécessiteront des notions robustes en statistiques et en modélisation
• Intérêt pour le développement méthodologique
• Autonomie, prise d’initiatives et adaptabilité : savoir évoluer dans un contexte professionnel et privé qui n’offre pas toujours le confort des laboratoires de l’hexagone.

Laboratoire :
UMR MARBEC (Marine Biodiversity Exploitation and
Conservation – Université de Montpellier)
École doctorale :
GAIA (Université de Montpellier)

Établissement employeur :
Université de Mayotte

Encadrement :
Elliott SUCRÉ (Pr, Université de Mayotte) et
Laura MÉGEVAND (MCF, Université de Mayotte)

Type de recrutement : contrat à durée déterminée de 36 mois sur projet de recherche
Modalités de travail : temps complet, télétravail occasionnel
Rémunération selon grille salariale de l’établissement (à titre indicatif, le salaire mensuel net est actuellement d’environ 2 500 €)

Prise de poste souhaitée : 01/10/2025
La thèse sera réalisée à l’Université de Mayotte (8, rue de l’Université, Iloni, Mayotte) à l’exception des
missions de recherche et expérimentations ponctuelles pouvant être réalisées sur les plates-formes
de l’UMR MARBEC (Site de l’Université de Montpellier). Des déplacements en France hexagonale ou à
l’international pourront être nécessaires (formations, congrès…).

Modalités de candidature :
Les candidatures (CV + Lettre de motivation + relevés de notes du M1 et premier semestre du M2) sont à adresser conjointement avant le 05/05/2025 aux adresses suivantes :
pole-rh@univ-mayotte.fr
elliott.sucre@univ-mayotte.fr
laura.megevand@univ-mayotte.fr

Contacts
Pour toute information, merci de vous adresser aux encadrants de la thèse :
elliott.sucre@univ-mayotte.fr
laura.megevand@univ-mayotte.fr

Liens utiles
https://www.univ-mayotte.fr/fr/index.html

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https://www.leselam.com/
https://www.researchgate.net/profile/Elliott-Sucre

Contact administratif
[DRHDS] Direction des Ressources Humaines et Dialogue Social
Email : pole-rh@univ-mayotte.fr
URL Université de Mayotte : https://www.univ-mayotte.fr
Téléphone : +262 (0)2 69 61 07 62
Adresse : 8 rue de l’Université – Iloni – BP 53 – 97660 DEMBENI

Références bibliographiques

5 publications récentes des encadrants de la thèse en rapport avec le projet
– L’honoré, T., Mégevand, L., Hermet, S., M’colo, Z. A., Farcy, E., Bertin, L., … & Sucré, E. (2024). A multi-scale integrative approach to study the impact of a common pesticide, the dimethoate, on a mangrove fiddler crab Tubuca urvillei. Environmental Science and Pollution Research, 1-19.

– Coutellec, M. A., Chaumot, A., & Sucré, E. (2024). Neglected impacts of plant protection products on invertebrate aquatic biodiversity: a focus on eco-evolutionary processes. Environmental Science and Pollution Research, 1-10
.
– Mamy, L., Pesce, S., Sanchez, W., Aviron, S., Bedos, C., Berny, P., … Sucré, E., … & Leenhardt, S. (2023). Impacts of neonicotinoids on biodiversity: a critical review. Environmental Science and Pollution Research, 1-36

– Mégevand, L., Kreienbühl, P., Theuerkauff, D., Lignot, J. H., & Sucré, E. (2022). Individual metabolism and behaviour as complementary endpoints to better understand mangrove crab community variations linked to wastewater inputs. Ecotoxicology and Environmental Safety, 236, 113487.

– Mégevand, L. (2022). Traits écophysiologiques et comportementaux de trois espèces de crabes
soumis à différents niveaux de stress anthropique dans les mangroves insulaires du Canal du Mozambique (Doctoral dissertation, Université de Montpellier).

Références bibliographiques du résumé de la thèse

– Cannicci, S., Burrows, D., Fratini, S., Smith, T. J., Offenberg, J., & Dahdouh- Guebas, F. (2008). Faunal
impact on vegetation structure and ecosystem function in mangrove forests: A review. Aquatic Botany, 89(2),186–200. https://doi.org/10.1016/j.aquabot.2008.01.009

– J.F. Desprats, G. Rolland, A. Foucher, D. Vancauteren, V. Landemaine, S. Lanini, O. Evrard, JD Rinaudo, B.Vignerot, Cerdan O., A. Hassani, K. Said, V. Le Goff, M. Beltramo, P. Bonne, A. L’hotelier, F.
Beudard, S. Grangeon, A. Mavouna (2023) – Projet LESELAM 3 Lutte contre l’Erosion des Sols et l’Envasement du Lagon à Mayotte. Rapport de synthèse. BRGM/RP-73248-FR, 78 p.

– Foucher, A., Evrard, O., Rabiet, L., Cerdan, O., Landemaine, V., Bizeul, R., … & Desprats, J. F. (2024) Uncontrolled deforestation and population growth threaten a tropical island’s water and land resources in only 10 years. Science Advances, 10(33), eadn5941

– Jones, C. G., Lawton, J. H., & Shachak, M. (1994). Organisms as Ecosystem Engineers. Oikos, 69(3),
373–386. https://doi.org/10.2307/3545850

– Kristensen, E. (2008). Mangrove crabs as ecosystem engineers; with emphasis on sediment processes. Journal of Sea Research, 59(1), 30–43. https://doi.org/10.1016/j.seares.2007.05.004

– Laure Mamy, Stéphane Pesce, Wilfried Sanchez, Marcel Amichot, Joan Artigas, et al. Impacts des
produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques. Rapport de l’expertise scientifique collective. [Rapport de recherche] INRAE; IFREMER. 2022, 1408 p. ⟨hal-03777257⟩
– Pesce, S., Mamy, L., Sanchez, W. et al. Main conclusions and perspectives from the collective scientific assessment of the effects of plant protection products on biodiversity and ecosystem services along the land–sea continuum in France and French overseas territories. Environ Sci Pollut Res 32, 2757–2772 (2025). https://doi.org/10.1007/s11356-023-26952-z

– Rogers, C. S., & Ramos-Scharrón, C. E. (2022). Assessing effects of sediment delivery to coral reefs: A Caribbean watershed perspective. Frontiers in Marine Science, 8, 773968.

– de Vente, J., Poesen, J., Arabkhedri, M., and Verstraeten, G. (2007). The sediment delivery problem
revisited. Prog. Phys. Geogr. 31, 155–178. doi: 10.1177/0309133307076485

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