Développement d’indicateurs biotiques sur les poissons et bivalves de Guyane basés sur l’ADN environnemental
Encadrants
Sébastien Brosse, Professeur UPS Toulouse (sebastien.brosse@utoulouse.fr)
Vincent Prié, Chercheur associé au MNHN & Directeur de projet SPYGEN (vincent.prie@spygen.com)
Laboratoire d’accueil
Centre d’Etude sur la Biodiversité et l’Environnement (CRBE)
UMR 5300 UT, CNRS, IRD, INPT
Université de Toulouse
118 route de Narbonne
31062 Toulouse
Contexte scientifique et enjeux:
La Guyane représente l’une des dernières zones équatoriales du globe encore peu impactées par les activités humaines (1). Ce territoire abrite une biodiversité remarquable, et de nombreuses espèces endémiques. Par exemple, La Guyane abrite plus de 400 espèces de poissons d’eau douce, un nombre d’espèces supérieur a celui rencontré dans l’ensemble de l’Europe continentale (2). Pourtant l’accroissement de pressions anthropiques liées à la déforestation, à l’agriculture, à l’urbanisation et aux activités minières légales ou illégales affectent cette biodiversité et les travaux récents montrent un déclin marqué de la biodiversité aquatique (3–5) qui met en péril le fonctionnement des écosystémiques associés (4,6). Chez les poissons, des études récentes montrent une perte de diversité supérieure à 20 % dans les zones impactées (3,5). Les bivalves, bien que moins étudiés, constituent aussi un groupe très sensible aux pollutions et perturbations du lit des rivières, et sont considérés comme l’un des taxons les plus menacés au niveau mondial (7,8).
Or, les gestionnaires guyanais ne disposent actuellement que d’outils partiels pour évaluer l’état écologique des milieux aquatiques : indicateurs basés sur les diatomées, macro-invertébrés ou l’Indice Poissons Guyane (IPG), dont la représentativité et la fiabilité sont limitées. Les poissons et bivalves, pourtant très pertinents pour la bioindication, restent sous-exploités, principalement en raison de la difficulté de leur capture et de leur identification sur des bases morphologiques uniquement.
L’ADN environnemental (ADNe) (9), qui permet de détecter les espèces présentes dans un milieu à partir de traces génétiques filtrées dans l’eau, offre une alternative robuste et non invasive aux méthodes classiques d’échantillonnage. En Guyane, près de 10 ans de travaux ont validé l’efficacité de l’ADNe pour inventorier poissons et bivalves à l’échelle de centaines de sites (10,11). Ce contexte crée une opportunité unique pour développer des indicateurs biotiques multimetriques, comparables aux indicateurs existants (12–15), mais ici basés sur l’ADNe.
Depuis une dizaine d’années, plus de 200 inventaires ADNe de poissons et 100 inventaires de bivalves ont été réalisés en Guyane, offrant un jeu de données unique qui permet aujourd’hui d’envisager le développement d’indicateurs biotiques utilisant cette méthode novatrice. Le but ultime de ce travail sera de produire des indicateurs biotiques directement utilisables par les gestionnaires pour l’évaluation de l’intégrité biotique des écosystèmes aquatiques.
La problématique scientifique de ce doctorat est donc : Comment développer, à partir des inventaires par ADNe, des indicateurs biotiques multimétriques fiables pour évaluer l’état écologique des cours d’eau guyanais, en intégrant poissons et bivalves comme taxons complémentaires?
References:
1. Watson, J. E. M. et al. The exceptional value of intact forest ecosystems. Nat Ecol Evol 2, 599–610 (2018).
2. Le Bail, P.-Y. et al. Updated checklist of the freshwater and estuarine fishes of French Guiana. Cybium : Revue Internationale d’Ichtyologie 36, 293–319 (2012).
3. Cantera, I. et al. Low level of anthropization linked to harsh vertebrate biodiversity declines in Amazonia. Nat Commun 13, 3290 (2022).
4. Coutant, O. et al. Environmental DNA reveals a mismatch between diversity facets of Amazonian fishes in response to contrasting geographical, environmental and anthropogenic effects. Global Change Biology 29, 1741–1758 (2023).
5. Coutant, O. et al. No attenuation of fish and mammal biodiversity declines in the Guiana Shield. Science of The Total Environment 971, 179021 (2025).
6. Cantera, I. et al. Functional responses to deforestation in fish communities inhabiting neotropical streams and rivers. Ecol Process 12, 52 (2023).
7. Aldridge, D. C. et al. Freshwater mussel conservation: A global horizon scan of emerging threats and opportunities. Global Change Biology 29, 575–589 (2023).
8. Lopes-Lima, M. et al. Conservation of freshwater bivalves at the global scale: diversity, threats and research needs. Hydrobiologia 810, 1–14 (2018).
9. Taberlet, P., Bonin, A., Zinger, L. & Coissac, E. Environmental DNA: For Biodiversity Research and Monitoring. (Oxford University Press, 2018).
10. Cantera, I. et al. Optimizing environmental DNA sampling effort for fish inventories in tropical streams and rivers. Sci Rep 9, 3085 (2019).
11. Cilleros, K. et al. Unlocking biodiversity and conservation studies in high-diversity environments using environmental DNA (eDNA): A test with Guianese freshwater fishes. Molecular Ecology Resources 19, 27–46 (2019).
12. Curtis, A. N., Harper, L. R., Davis, M. A. & Larson, E. R. Applying environmental DNA metabarcoding to calculate an index of biotic integrity for freshwater fish. 2025.05.26.656190 Preprint at https://doi.org/10.1101/2025.05.26.656190 (2025).
13. Irz, P., Vigneron, T., Poulet, N., Richard, B. & Oberdorff, T. The biological condition of French rivers has not improved over the last seventeen years according to the national Fish-Based-Index (FBI). Knowl. Manag. Aquat. Ecosyst. 11 (2024) doi:10.1051/kmae/2024007.
14. Fausch, K. D., Karr, J. R. & Yant, P. R. Regional Application of an Index of Biotic Integrity Based on Stream Fish Communities. Transactions of the American Fisheries Society 113, 39–55 (1984).
15. Roset, N., Grenouillet, G., Goffaux, D., Pont, D. & Kestemont, P. A review of existing fish assemblage indicators and methodologies. Fisheries Management and Ecology 14, 393–405 (2007).
Objectifs de la thèse:
L’objectif principal est de développer deux indicateurs biotiques multimétriques fondés sur les communautés de poissons et de bivalves de Guyane, inventoriées par ADNe. Ces indicateurs permettront :
1. D’évaluer l’état écologique des écosystèmes aquatiques guyanais en intégrant une large gamme de métriques taxonomiques, fonctionnelles et phylogénétiques.
2. De relier biodiversité et pressions anthropiques, afin de produire des outils robustes et applicables en routine par les gestionnaires.
3. De compléter le panel existant d’indicateurs de qualité écologique avec des taxons sensibles et complémentaires.
Méthodologie
La thèse s’articulera en six grandes actions :
1. Synthèse des données existantes : mobilisation de plus de 200 inventaires ADNe de poissons et 100 de bivalves, complétés par des données issues de gestionnaires, ONG et bureaux d’étude.
2. Finalisation des bases de référence moléculaires : actualisation des séquences disponibles pour couvrir la diversité taxonomique réelle (espèces décrites et lignées cryptiques).
3. Caractérisation des pressions anthropiques : intégration des données environnementales (SIG, physico-chimie, usages) et typologie des sites selon leur niveau d’anthropisation.
4. Sélection des espèces et métriques sensibles : analyse d’indicateurs taxonomiques, fonctionnels et phylogénétiques ; exploration de l’apport des données quantitatives d’ADNe pour estimer biomasse ou abondance.
5. Construction des indices biotiques : calibration multimétrique à partir de sites de références et de sites impactés, selon une approche normalisée de conditions de référence.
6. Validation et transfert : test des indicateurs sur un jeu indépendant de stations et mise à disposition d’une interface utilisateur simple pour les acteurs de la gestion environnementale.
Résultats attendus:
• Deux indicateurs biotiques robustes, basés respectivement sur les communautés de poissons et de bivalves.
• Une base de référence moléculaire consolidée et publiée en libre accès.
• Une méthodologie de calibration et validation applicable à d’autres régions du globe.
• Une interface simple permettant aux acteurs locaux (DGTM, OEG, PAG, ONG, bureaux d’études) d’évaluer l’état écologique des cours d’eau guyanais.
Retombées scientifiques et opérationnelles:
• Avancées scientifiques : la thèse contribuera au développement méthodologique de la bioindication par ADNe, en explorant notamment le potentiel quantitatif des signaux moléculaires et l’intégration de métriques phylogénétiques. Elle produira des bases de références moléculaires exhaustives pour la faune aquatique guyanaise. Les résultats obtenus seront publiés dans des revues scientifiques internationales, et proposeront le contexte Guyanais comme un démonstrateur de l’utilité de l’ADN environnemental pour l’évaluation de intégrité des écosystèmes aquatiques.
• Retombées opérationnelles : les indicateurs développés fourniront aux institutions locales (DGTM, OEG, PAG, réserves, bureaux d’études) des outils standardisés pour le suivi écologique des cours d’eau, comparables aux indicateurs déjà en usage en Europe ou Amérique du Nord.
• Intérêt socio-environnemental : ce travail apportera une aide concrète à la gestion durable des ressources aquatiques guyanaises, menacées par l’orpaillage, la pollution et la déforestation.
Financement:
Cette thèse est soutenue par un projet de recherche financé par l’Office Français pour la Biodiversité. Elle s’appuie sur le dépôt d’un dossier de doctorat CIFRE (partenariat public-privé). Le dossier CIFRE sera déposé dés sélection du/de la candidat/e, pour démarrage de la thèse dans les 2 mois suivant le dépôt de dossier.
Encadrement:
Le/la doctorant/e bénéficiera d’un encadrement interdisciplinaire associant écologie aquatique, biologie moléculaire et statistiques avancées. Il/Elle travaillera en étroite collaboration avec l’entreprise partenaire (SPYGEN) et le laboratoire académique (Université de Toulouse), ainsi qu’avec les gestionnaires locaux. Le projet lui permettra d’acquérir des compétences à l’interface entre recherche fondamentale, innovation méthodologique et application opérationnelle.
Profil du/de la doctorant/e:
– Maitrise des biostatistiques sous R
– Maitrise des analyses spatiales (SIG)
– Maitrise de la manipulation de bases de données et de la construction de modèles statistiques
– Connaissances théoriques en Écologie des communautés et Évolution
– Connaissances théoriques en génétique / taxonomie moléculaire
– Très bonnes capacités de rédaction en Anglais (B2 minimum) et en Français
– Capacités de communication orale et de travail en équipe
– Intérêt pour l’Ecologie Tropicale et l’écologie appliquée
– Curiosité et motivation
– Un intérêt naturaliste sera apprécié
Comment candidater ?
Envoyer par mail à Sébastien Brosse (sebastien.brosse@utoulouse.fr) et Vincent Prié (vincent.prie@spygen.com) une lettre de motivation et un CV détaillé (incluant cursus, relevé de notes de Master, classements depuis le Bac, 2 lettres de recommandation)
Date limite de candidature : 1er Décembre 2025
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