Mots clés : îles sub-Antarctiques – Crozet – biogéographie – phylogéographie – systématique – oursins
Contexte du projet
L’océan Austral abrite une biodiversité marine originale qui résulte d’une longue histoire évolutive, géodynamique, océanographique et climatique (David & Saucède 2015). En particulier, le courant circumpolaire antarctique ainsi que les fronts marins associés ont conditionné la dispersion et la diversification d’espèces dans l’océan Austral qui se caractérise par un fort taux d’endémisme. C’est notamment le cas des îles subantarctiques dont l’endémisme revêt des enjeux importants en matière de conservation. En effet, cette région est caractérisée par une forte augmentation des températures de l’air et des eaux océaniques (Ansorge et al. 2014, Pohl et al. 2021, Nel et al. 2023), ce qui impacte d’ores et déjà les communautés marines benthiques adaptées aux eaux froides (Saucède et al. 2019), ainsi que la dispersion des espèces (Convey 2020).
Le genre d’oursin Pseudechinus est bien diversifié en régions subantarctique et subtropicale où il est représenté par 12 espèces nominales largement distribuées depuis la Nouvelle-Zélande et l’Australie jusqu’en Amérique du Sud, et autour des îles subantarctiques et subtropicales des océans Indien et Atlantique (David et al. 2005). Cette vaste distribution s’accompagne de motifs biogéographiques et de diversité contrastés. Représenté par une seule espèce le long des côtes chiliennes et argentines (P. magellanicus), le genre est connu par huit espèces en Australie et en Nouvelle-Zélande (P. huttoni, P. grossularia, P. novaezealandiae, P. albocinctus, P. notius, P. hesperus, P. flemingi, et P. variegatus). Enfin, trois espèces sont recensées dans le secteur atlantique de l’océan Austral, au large des îles Prince Edward et Marion (P. marionis), et deux autres dans le secteur indien autour des îles Saint-Paul (P. sanctipauli) et Amsterdam (P. novaeamsterdamiae). Les espèces du genre Pseudechinus sont supposées avoir de bonnes capacités de dispersion grâce à l’existence d’un stade larvaire planctonique durant leur développement (David et al. 2005). Cependant, la présence de nombreuses espèces aux distributions contrastées suggère une histoire évolutive et biogéographique complexe.
Les habitats marins des îles subantarctiques françaises concentrent une biodiversité exceptionnelle dont la singularité, la valeur patrimoniale, mais aussi la fragilité ont conduit à la création de la Réserve Naturelle Nationale des Terres Australes Françaises en 2006 puis à son classement au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2019. Une campagne de terrain a été réalisée en novembre 2021 le long des côtes de l’île subantarctique française de la Possession (archipel Crozet) et a permis la découverte de spécimens de Pseudechinus aux morphologies originales. L’identification de ces spécimens, leur éventuel endémisme et l’analyse des motifs de distribution des espèces de Pseudechinus dans l’océan Austral à partir de spécimens de collections peuvent permettre de préciser la systématique et la biogéographie du genre tout en répondant à des enjeux de conservation dans un contexte de forts changements environnementaux.
Références :
Ansorge IJ, Durgadoo JV & Treasure AM. 2014. Sentinels to climate change. The need for monitoring at South Africa’s Subantarctic laboratory. S. Afr. J. Sci., 110 (1/2): 1–4, doi: org/10.1590/sajs.2014/a0044..
Convey P. 2020. Current changes in Antarctic ecosystems. In: Goldstein, MI & Dellasala, DA, eds, Encyclopedia of the world’s biomes, vol. 2. Amsterdam: Elsevier, 666-685.
David B, Choné T, Mooi R. & De Ridder C. 2005. Antarctic Echinoidea. Synopses of the Antarctic benthos. Königstein: Koeltz Scientific Books, 274 pp.
David B, Saucède T. 2015. Biodiversité de l’océan Austral, laboratoire naturel pour l’évolution. ISTE Editions, London, 157 pp.
Nel W, Hedding DW, Rudolph EM. 2023. The sub-Antarctic islands are increasingly warming in the 21st century. Antarctic Science 35(2); 124-126.
Pohl B, Saucède T, Pergaud J, Féral J-P, Richard Y, Favier V et al. 2021. Recent climate variability around the Kerguelen Islands (Southern Ocean) seen through weather regimes. Journal of Applied Meteorology and Climatology, 60, 10.1175/JAMCD-20-0255.1.
Saucède T, Guillaumot C, Michel L, et al. 2019. Modelling species response to climate change in sub-Antarctic islands: echinoids as a case study for the Kerguelen plateau. In: Welsford, D., J. Dell and G. Duhamel (Eds). The Kerguelen Plateau: marine ecosystem and fisheries. Proceedings of the Second Symposium. Australian Antarctic Division, Kingston, Tasmania, Australia, pp. 95-116. ISBN: 978-1-876934-30-9, doi : 10.5281/zenodo.3251680.
Objectifs et attendus
À partir de l’observation d’échantillons des différentes espèces de Pseudechinus, l’objectif du stage consistera à (1) caractériser la morphologie des nouveaux spécimens récoltés à l’Île de la Possession, (2) préciser leurs relations phylétiques au sein du genre, et (3) analyser les motifs biogéographiques des espèces de Pseudechinus au regard du contexte océanographique.
Méthodologie et moyens techniques/scientifiques mis à disposition :
Le travail consistera en une approche de taxinomie intégrative associant analyse morphologique (à réaliser) et traitement des données génétiques déjà obtenues (marqueurs COI et 16S). Ce travail sera réalisé sur un total de 150 spécimens prélevés à différentes profondeurs dans les archipels de Crozet, Marion et Prince Edward, Tristan da Cunha, Saint Paul et Amsterdam, Argentine, Australie (Tasmanie) et Nouvelle-Zélande. L’analyse morphologique comportera la préparation et l’observation des échantillons pour macroscopie, microscopie optique et électronique. Le traitement des séquences génétiques et leur analyse sera réalisé à l’aide des logiciels Geneious et Mega. Une phylogénie moléculaire sera réalisée à l’aide du logiciel BEAST tandis qu’une analyse phylogéographique impliquera l’utilisation des logiciels Arelquin et PopArt.
Le/la stagiaire sera accueilli(e) au laboratoire Biogéosciences, à Dijon, où il/elle disposera d’un bureau, de laboratoires spécialisés, d’outils informatiques et de l’encadrement nécessaire à l’obtention et à l’analyse des données. L’encadrement scientifique et technique sera assuré par un professeur et deux postdoctorants.
Compétences et aptitudes souhaitées
Nous recherchons un(e) étudiant(e) motivé(e), doté(e) d’un bon sens de l’organisation et intéressé(e) par la recherche en systématique, biodiversité marine et biogéographie (phylogéographie). L’étudiant(e) devra être en Master 2 dans le domaine de la biologie marine et/ou de la systématique. De bonnes connaissances théoriques en écologie moléculaire seraient souhaitées. De bonnes capacités rédactionnelles et un esprit de synthèse sont nécessaires. Un bon relationnel et l’aptitude au travail en équipe seront appréciés.
Information pratiques
Encadrement :
– Thomas Saucède, Professeur, université de Bourgogne, laboratoire Biogéosciences
– Yann Lelièvre, postdoctorant, université de Bourgogne, laboratoire Biogéosciences
– Quentin Jossart, postdoctorant, université de Bourgogne, laboratoire Biogéosciences
Date de début du stage : Janvier 2025
Durée : 5-6 mois
Lieu du stage : UMR Biogéosciences, CNRS, université de Bourgogne, 6 boulevard Gabriel, 21000 Dijon.
Gratification de stage : selon le barème en cours
Contacts :
Pour postuler, veuillez envoyer votre CV et votre lettre de motivation (1 page maximum) à Thomas Saucède : thomas.saucede@u-bourgogne.fr
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