John Thompson, membre de la SFE, décroche le Prix W.S. Cooper de la Société Américaine d’Ecologie (ESA). Ce prix récompense une contribution scientifique exceptionnelle en écologie végétale.
Article récompensé : John Thompson, Anne Charpentier, Guillaume Bouguet, Faustine Charmasson, Stephanie Roset, Bruno Buatois, Philippe Vernet, and Pierre-Henri Gouyon. 2013. Evolution of a genetic polymorphism with climate change in a Mediterranean landscape. PNAS February 4, 2013, doi: 10.1073/pnas.1215833110
Ce qu’ont montré John et ses collègues du CEFE (Montpellier) et du Muséum (Paris), c’est qu’au lieu de se déplacer, les espèces peuvent s’adapter aux changements climatiques. Riche en exemples de modifications de distribution géographique d’organismes biologiques en association avec les changements climatiques, la littérature scientifique nous renseigne peu sur la réponse évolutive des espèces à ces changements. Au lieu de se déplacer, les espèces, ne pourraient-elles pas, tout simplement, s’adapter ? Pas évident pour certains : l’adaptation est un processus long et souvent en décalage avec les changements d’environnement.
Dans une étude de la distribution spatiale des types chimiques du Thym (Thymus vulgaris) dans les garrigues du paysage méditerranéen du nord de Montpellier, les chercheurs au CEFE nous fournissent une illustration tout à fait originale de la capacité d’une espèce à répondre rapidement aux changements climatiques. Chez cette espèce, des études expérimentales en conditions contrôlées et en milieu naturel ont montré qu’il existe des types chimiques (chémotypes) qui sont sensibles aux forts gels de l’hiver mais très résistants à la sécheresse estivale (types phénoliques) et des types très résistants au gel mais moins tolérants à la sécheresse estivale (types non-phénoliques). La distribution de ces types chimiques, cartographiée au début des années 1970, montre, en effet, que les types phénoliques sont exclus de certaines zones très froides en hiver ou seuls les types non-phénoliques sont présents. Ainsi, on passe de populations exclusivement phénoliques (zones à hivers doux mais sur sols rocailleux et secs) à des populations seulement non-phénoliques (zones à températures minimales très basses mais sur sols plus profonds) à l’échelle de 2-3km avec, entre les deux, une zone de transition à populations mixtes. C’était la situation au début des années 1970. Or, l’examen des températures minimales montre que les extrêmes ne sont plus ce qu’ils étaient : aucun gel fort, capable d’exclure les types phénoliques, depuis plus de 20 ans.
L’équipe du CEFE a donc repris les anciennes données de distribution des chémotypes et ré-échantillonné 36 des populations étudiées il y a 40 ans : 12 populations « phénoliques », 12 « non-phénoliques » et 12 populations mixtes dans l’étroite zone de transition. Les résultats vont tous dans le même sens : une augmentation globalement significative de la fréquence des types phénoliques, avec leur apparition dans les populations autrefois non-phénoliques et leur augmentation en fréquence dans les populations autrefois mixtes. Certaines de ces dernières sont désormais exclusivement phénoliques. Il s’agit d’une réponse adaptative très rapide au relâchement d’une pression de sélection associée aux extrêmes de température qui sont de moins en moins fortes. Alors que la distribution de l’espèce n’a pas été modifiée, l’organisation spatiale de son patrimoine génétique change, soit par une capacité de réponse locale au sein des stations soit par un flux de gènes entre populations. Ainsi, même les plantes pérennes peuvent rapidement s’adapter aux changements climatiques en cours, tant que leurs populations ne sont pas trop fragmentées par les activités humaines.
Dans une chanson célèbre du début des années 1960, le chanteur américain Bob Dylan nous a invités, dès la première strophe, à reconnaître que les changements climatiques commencent à montrer leurs effets et qu’il est nécessaire d’agir en conséquence. En même temps, à Montpellier, les chercheurs de la faculté de pharmacie venaient de décrire, dans la revue « La France et ses parfums », une diversité impressionnante de types d’essences au sein d’une seule espèce : le Thym des garrigues du Midi. 50 ans après cette première publication sur la diversité des chémotypes, on se rend compte que Bob Dylan avait bien raison « The thymes they are a-changin’ ».
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