La Société Française d’Ecologie (SFE) vous propose cette semaine le regard de Fabrice Flipo, philospohe et chercheur à l’Université Paris Diderot, sur le thème « Hommes, Nature et modernité ».
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Pourquoi « protéger la nature » est-il souvent perçu comme contraire à la modernité ?
Fabrice Flipo
Chercheur en philosophie, Laboratoire LCSP (Paris 7 Diderot) et Mines-Télécom/TEM
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Mots clés : Nature, sociétés, relation Homme-Nature, valeurs, philosophie, modernité
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Deux conceptions de la nature qui s’entremêlent
Dans le langage commun qui est celui des personnes s’intéressant à la « protection de la nature », « nature » désigne la biosphère, ses régulations, ses espèces, ses écosystèmes, etc., toutes choses qui semblent nécessaires à l’humanité de l’humanité. Aussi est-on toujours fort surpris de voir certaines prises de position qui, pour simplifier, reprennent les arguments de Luc Ferry (1992) selon lesquels le mouvement de la protection de la nature serait gros d’un dangereux anti-humanisme. Marcel Gauchet à la même époque expliquait que sous l’amour de la nature se cachait la haine des hommes (Gauchet, 1990). Comment expliquer de telles affirmations ? Qui ne connaît pas l’état de la philosophie politique et sociale depuis la fin du 20e siècle ne peut probablement pas saisir de quoi il retourne. Nous nous proposons ici de l’expliquer, sous une forme très simplifiée.
La philosophie politique et sociale, tout spécialement celle qui est d’obédience libérale, estime que la modernité se caractérise par l’accès à un ordre social « autonome », régi par des lois qu’il se donne lui-même; ceci à la différence des autres sociétés, qui sont réputées guidées par un ordre « hétéronome », sur lequel l’homme n’a donc pas de prise. On trouve par exemple cette thèse chez Luc Ferry (1992), Marcel Gauchet (1985) ou Louis Dumont (1977).
Que l’ordre des sociétés soit ancré dans la nature implique que l’homme se voit attribuer une nature, une identité, une « essence » fixe, dont il ne peut pas sortir. La source de cette fixité diffère d’une société à l’autre : culte des ancêtres, religion, ordre sacré, ordre hiérarchique des castes, etc. Avec la modernité démocratique la nature de l’homme est devenu un problème, quelque chose à quoi on admet ne pas avoir de réponse claire. C’est l’objet d’une recherche, d’une enquête, faite d’essais et d’erreurs, dans le domaine de l’organisation humaine comme dans celui de la transformation de la nature.
La « protection de la nature » réactive donc un dangereux principe prémoderne, qui vise à sacraliser la nature, et donc restreindre le pouvoir des hommes. C’est l’autonomie qui se trouve ainsi mise en danger.
Cette critique relève en partie d’une erreur de compréhension manifeste. Il y a confusion entre deux définitions de « la nature ». L’une désigne la biodiversité ou la biosphère, disons pour simplifier un domaine empirique, expérimentable, nullement « sacré » au sens d’un Interdit absolu pesant de manière irrationnelle et extérieur sur la volonté et la démocratie. Dans le cas d’expériences ou mesures de terrain par exemple, n’importe qui peut prendre les documents, vérifier méthodes et résultats et arriver, disent les protecteurs de la nature, aux mêmes conclusions. Il n’y a pas de nouveau clergé en voie de constitution. Il n’y a pas de volonté d’instaurer un ordre qui serait inaccessible au bon peuple, au contraire l’enjeu est d’informer la population sur la trajectoire dans laquelle nous nous sommes inscrits, c.-à-d. sur l’ampleur actuelle des changements globaux, avec la conviction que la poursuite de cette trajectoire ne peut être voulue par des êtres rationnels et autonomes (cf. le Regard n°51 de R. Barbault et A. Teyssèdre, par exemple).
La controverse indique cependant qu’un débat de fond est nécessaire
Mais l’erreur n’est pas totale. On ne peut « défendre la nature » sans lui attribuer une valeur, ou importance, or la valeur est la composante majeure du sacré. « Sauver la biodiversité » a bien un sens dès lors qu’une large fraction de celle-ci est en danger (e.g. Teyssèdre, 2004)… et qu’en outre la perturbation massive des écosystèmes terrestres et marins fragilise les sociétés humaines qui en dépendent (cf. par ex. MEA, 2005 et les regards n°1, 4, 21, 30, 31 et 51 sur cette plateforme). Il s’agit bien de limiter le « droit à l’expérimentation », comme le prouvent les controverses autour du principe de précaution, entre les partisans de la géo-ingénierie et ceux qui considèrent que l’instrument est trop grossier, quand il est mis en regard de la fragilité de la biosphère. On a bien un problème de valeur, d’une part, et de droit à expérimenter, de l’autre.
Est-il antimoderne pour autant ? Pas forcément. Tout d’abord parce que « l’expérimentation » n’a pas de raison de prendre forcément la forme qu’elle a en physique, où l’on travaille sur des propriétés éternelles et immuables, indestructibles. Ensuite on peut retourner aux critiques leur propre argument, en pointant du doigt le caractère extrêmement limité du monde qu’ils nous offrent. En effet dans leur ordre tout est permis du moment que la « valeur ajoutée » – au sens économique – augmente : voilà qui est extrêmement restrictif. N’est-ce pas la sacralisation d’une certaine essence de l’humanité ? Luc Ferry et Alain Renaut le reconnaissant, les institutions libérales qu’ils décrivent découlent de « l’affirmation de l’existence d’une nature humaine commune » (souligné dans le texte) (Ferry & Renaut, 2007 : 476). Ce peut aussi être un acte de la volonté que de déboulonner l’Homo economicus, et de montrer que sa rationalité, sous l’angle écologique, est irrationnelle. De montrer que ce à quoi il tient est absurde, que ce soit sous l’angle de la démocratie ou de l’universalité. Car l’humanité entière ne saurait parvenir à vivre comme les Occidentaux.
Il y a près de 200 ans, Hegel (1830) éclairait ce que serait le véritable objet d’une anthropologie de la nature. Il s’agirait non des relations de l’homme à la biosphère mais d’une étude des différentes conceptions que l’homme se fait de lui-même (ce qui définit sa « nature »), dans sa relation à la biosphère et à ses habitants. Quand l’esprit va dans la nature, il est en quête de lui-même, de sa propre vérité, de ce qu’il est vraiment. La nature est ce moment de l’altérité radicale qui est source de jouvence et de régénération des cultures. Telle est la raison pour laquelle Thoreau affirmait que ce qui est à protéger, ce n’est pas la wilderness (nature sauvage), mais la « wildness » (créativité, naturalité) : la capacité à maintenir ouvert un questionnement quant à ce que nous sommes. C’est aussi de cette manière que l’on peut comprendre la référence à Heidegger, qui revient souvent (Flipo, 2014).
Bibliographie
Dumont L., 1985. Homo aequalis – Essais sur l’individualisme, TEL-Gallimard, 1985, Éd. Orig. 1977.
Ferry L., 1992. Le nouvel ordre écologique, Paris, Gallimard.
Flipo F., 2014. Heidegger et les critiques de la technique, une clarification des enjeux. Sens Public. http://sens-public.org/spip.php?article1060.
Hegel G.W.F., 1830, 1970. Encyclopédie des Sciences Philosophiques en Abrégé, Paris, Gallimard, 1970, Éd. Orig. 1830.
Gauchet M., 1985. Le désenchantement du monde, Paris, Gallimard.
Gauchet M., 1990. « Peurs et valeurs. Sous l’amour de la nature, la haine des hommes », Le Débat, n°60, pp. 247-250.
MEA, 2005. Ecosystems and Human well-being : Synthesis. New York, Island Press.
Renaut A. & L. Ferry, 2007. Philosophie Politique, Paris, PUF.
Teyssèdre A., 2004. Vers une sixième crise majeure d’extinctions? Chapitre 2, pp. 24-49, in “Biodiversité et changements globaux : Enjeux de société et défis pour la recherche”, Barbault R. (Dir.), B. Chevassus (Dir.) et A. Teyssèdre (Coord.), ADPF, déc. 2004.
Thoreau H.D., 1854. Walden, or Life in the woods. Boston, Ticknor and Fields.
Et ces regards en ligne sur cette plateforme SFE :
Barbault R, 2010. La biodiversité, concept écologique et affaire planétaire. Regards et débats sur la biodiversité, SFE, Regard n°1, 10 septembre 2010.
Barbault R. et A. Teyssèdre, 2013. Les humains face aux limites de la biosphère. Regards et débats sur la biodiversité, SFE, Regard n°51, 23 nov. 2013.
Lavorel S., R. Barbault et J-C. Hourcade, 2012. Impact du changement climatique sur les écosystèmes et les services écosystémiques. Regards et débats sur la biodiversité, SFE, Regard n°30, 3 avril 2012.
Pauly D. et F. Le Manach, 2012. Expansion et impact de la pêche mondiale. Regards et débats sur la biodiversité, SFE, Regard n°31, 30 avril 2012.
Papy F. et I. Goldringer, 2011. La biodiversité des champs. Regards et débats sur la biodiversité, SFE, Regard n°21, 22 septembre 2011.
Sarrazin F. et J. Lecomte, 2014. Peut-on dépasser l’anthropocentrisme dans nos regards sur la biodiversité ?
Regards et débats sur la biodiversité, SFE, Regard n°59, 5 juillet 2014.
Teyssèdre A, 2010. Les services écosystémiques, notion clé pour explorer et préserver le fonctionnement des (socio)écosystèmes. Regards et débats sur la biodiversité, SFE, Regard n°4, 25 octobre 2010.
Article édité et mis en ligne par Anne Teyssèdre.
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Bonjour,
Votre courte synthèse est intéressante quoique un peu légère : manquent par exemple les références fondatrices de Jean-jacques Rousseau (Du Contrat Social), J-B Lamarck (Philosophie Zoologique), Hobbes (Léviathan), Aristote (l’homme est un animal social), Saint Thomas d’Aquin (idem), Francis Galton (Nature versus Nurture)… Les auteurs dont vous vous recommandez correspondent à l’intelligentsia parisienne politiquement correcte. Et dans l’ensemble je reste sur ma faim.
Cordialement,
Patrice Leraut
Bonjour,
En fait on aurait pu citer toute la philosophie sur les 2500 dernières années, donc je vous comprends. Mais en 5000 signes le pari était difficile à tenir, d’autres (vous ?) peuvent se lancer sur d’autres aspects du même sujet.
Bien à vous,
FF
Pourquoi « protéger la nature » est-il souvent perçu comme contraire à la modernité ?
Parce que « protéger » rime avec deux fois rien? « Protéger » est conservateur et de facto ne rime pas avec le développement de la vie, ni non plus avec le développement de l’univers.
Parce que « nature » rime avec deux touts? Le terme « nature » confond (pour certains de façon innocente et pour d’autres de façon résolue) « nature vivante » avec « nature de l’univers », apparition et développement fixiste de l’univers avec apparition et développement évolutif du vivant.
Très joli commentaire, merci.
Le premier est un peu général mais il y a du vrai en effet. La modernité se définissant comme celle qui a osé désenchanter la nature et y imposer une rationalité, vouloir la protéger c’est forcément revenir en arrière. L’exemple du discours de Sarkozy à Dakar peut servir d’illustration : il dit que l’homme africain n’est jamais entré dans l’histoire car pour lui tout est répétition des saisons. Le respect de la nature est de ce point de vue opposé à la modernité. Tant que la nature est sacrée (et « sacré » renvoie d’abord à ce qui a de l’importance, pas à la religion au sens du surnaturel), alors la modernité ne peut avoir lieu. Inversement on peut faire valoir que « le développement » est une métaphore biologique qui réinjecte de la nature là où l’on avait cru l’en extirper. C’est là ma thèse : qu’il n’y a pas de possibilité de sortir de la nature (s’en « arracher » comme le prétend Luc Ferry), seulement de s’y rapporter de différentes manières.
Je comprends moins bien le second commentaire, un peu trop allusif. Quand on renvoie à « nature » en écologie politique c’est en général aux écosystèmes et à leurs habitants, le rapport à l’univers est moins cosmologique (de la science, la cosmologie, qui étudie les galaxies lointaines, au moyen de la high tech, de satellites etc.) que phénoménologique : la nature telle qu’on la voit sur Terre, qui évolue certes mais dont l’évolution dans notre rapport à elle ne nous paraît pas complètement souhaitable (effondrement de la biodiv, changements climatiques etc.)
Merci pour votre retour. Ne voyez ni généralité ni allusion dans mon premier commentaire mais simple transparence.
Mon premier questionnement s’applique au concept de protection (et pas de nature) : Je suggère que la modernité nous a fait comprendre que l’univers et aussi la vie sont deux entités en développement. Je constate donc que ni la « rationalité newtonienne » (qui appréhende le développement fixiste de l’univers), ni la « rationalité écologique » (qui appréhende le développement évolutif du vivant) ne peuvent facilement rimer avec le concept de protection. Je me questionne donc sur le message envoyé par ce mot et je me demande si, in fine, il a été bien choisi : il me semble s’écarter autant de la modernité qu’à terme de la durabilité.
Mon deuxième questionnement s’applique au concept de nature : La modernité a décrypté pour nous le développement évolutif du vivant et le développement fixiste de l’univers (y compris du caillou Terre). Je suggère que comme ces deux développements sont différents, ils sont de facto divergents. Je pense que la modernité prend en compte cette divergence. Je me questionne donc sur le mot « nature », terme pré-moderne, qui innocemment « se moque » de cette divergence et confond vivant et non vivant (le soleil, la lune, la météorite, les déserts, les volcans sont nature tout comme le papillon). Je me questionne aussi sur le terme « écosystème » qui fait de même mais, lui, de façon post-moderne et réfléchie (le concept d’écosystème me semble d’ailleurs avoir été créé pour justement modéliser scientifiquement en un seul « système » le vivant et son environnement physique). Ce terme retirent la qualité de vivant au vivant non humain et confirme le positionnement inférieur de celui-ci, son asservissement (« service » écosystémique). Je pense que cela provient d’une pensée conservatrice cherchant à privilégier sophistiquement et non pas de façon moderne un certain exceptionalisme supposé de l’homme.
Il me semble que la modernité gagnerait beaucoup en modernité, l’humanité en humanité et notre développement en durabilité si la distinction moderne entre nature vivante de nature non vivante étaient prise en compte. Cela reviendrait non pas à sortir de la nature mais bien à son contraire : mieux la saisir pour mieux s’y développer. Trouver la durabilité est strictement égal à trouver la représentation la plus correcte de notre contexte.
Plutôt que de « protection » on parle parfois de « coévolution ». C’est scientifiquement vrai mais politiquement discutable, au sens où l’action politique entend toujours construire et fixer quelque chose, par exemple la stabilité climatique, ou le bétonnage du monde…
Sur le second je dirais que la modernité se caractérise précisément par une conception non-vivante (/cartésienne) de la nature, et que le « retour du vivant » met aussi en cause la modernité. La raison n’est pas seulement scientifique, mais aussi politique. Une société industrielle urbanisée et mécanisée vit dans le minéral et le rapport à la nature comme à un instrument inanimé. A la différence de société paysannes qui vivent partout et tout le temps dans le rapport au vivant. Le « service écosystémique » est en ce sens ni moderne ni prémoderne… Cherche-t-il à ramener le vivant au non-vivant ou à inclure le vivant dans le non-vivant ? C’est l’ambiguïté féconde qu’il a cherché à mettre en place à mon sens. Mais ce concept ne dit rien du degré de prise en compte du vivant que nous sommes prêts à accepter, surtout si cela conduit à réduire la place de l’industrie.
Une ambiguibite qui est « feconde » mais qui, en meme temps « ne dit rien » sur ce qui est pourtant son objet (vivant / non vivant) a de grande chance d’etre du pur scolatisme. Et tout rassembler sous un seul paradigme (vivant dans non-vivant ou vice-versa, paysan ou urbain) quand il est si (trop?) facile de discerner le (paradigme du) vivant (de celui) du non vivant me semble etre du sophisme. Je pense que c’est ce que la crise ecologique actuelle nous dit.
Ne serait-il pas plus realiste d' »admettre » la biodiversite en dehors de l’environnement et de developper a notre avantage ces deux « mondes » selon leur regles propres?
Bonjour,
et merci beaucoup à Fabrice pour ce regard de philosophe sur la biodiversité (que j’ai édité avec grand plaisir).
La première partie – expliquant la position de certains intellectuels ou philosophes sur la protection/préservation de la biodiversité – m’a paru très intéressante et claire, et me semble bien répondre à la question posée dans le titre de ce « regard ».
La conclusion sur la nécessité d’une anthropologie de la nature au sens de Hegel – explorer les différentes conceptions que l’homme se fait de lui-même, ce qui définit sa « nature » – me semble s’imposer aussi, mais avec cette réserve/nuance importante : ne pas idéaliser a priori la nature humaine, (comme l’a fait Jean-Jacques Rousseau en son temps et) comme semble le faire Fabrice.
Même si la morale et la justice humaine ont des racines biologiques profondes, partagées par nos cousins primates et autres mammifères (cf. par exemple les nombreux articles et livres de vulgarisation de Frans de Waal sur ce thème), la « nature » est par définition amorale, et ne peut être érigée a priori en guide/modèle pour la morale ou la justice des sociétés. Des comportements humains immoraux ou inégalitaires, telles que la xénophobie ou le machisme, peuvent avoir eux aussi de fortes racines biologiques. La solidarité intragroupe pourrait s’accompagner d’une prédisposition à l’agressivité inter-groupes par exemple. Et les recherches sur la sélection sexuelle chez les humains indiquent que la compétition entre mâles pour les richesses ou le statut social est toujours un facteur d’évolution des sociétés, y compris monogames…
Les recherches explorant les « prédispositions »/préférences humaines -ou les recherches sur le socle de comportements humains commun à l’ensemble des cultures/sociétés- me semblent donc très importantes, non pas pour baser les normes d’actions et les politiques sur ces prédispositions -qui peuvent être morales ou non- ou sur ce socle commun, mais
dans le sens où ignorer les éventuelles prédispositions négatives (i.e. inégalitaires, injustes, éventuellement xénophobes…) des humains ne peut que nuire à la construction de sociétés égalitaires et pacifiques.
S’agissant de seules « prédispositions », ces tendances négatives éventuelles pourraient être affrontées et surmontées (neutralisées) par l’information, l’éducation et la culture de manière générale..
Cordialement,
Anne
Bonjour
Merci de cette question qui me permet de lever quelques incompréhensions. La nature sert depuis toujours de miroir et de justification. Elle justifie aussi bien la compétition (Spencer) que la coopération (Kropotkine), et la discussion n’est pas près de finir. La nature est tous ces possibles. La comparaison avec le monde animal est l’une des figures récurrentes de cela, au nom de notre sourde parenté. Mais les contours exacts sont évidemment à discuter dans le détail : dans quelle mesure ce qui s’applique aux singes vaut véritablement pour l’humanité ? etc. Chacun en tire des conclusions différentes. Les uns que la propriété est le problème, les autres qu’elle est la solution… Qui « s’illusionne » ? Qui « idéalise » ? Ca fait partie des discussions sur l’ordre des sociétés politiques que sont les sociétés humaines. Si la nature est « amorale », c’est parce qu’elle ne donne pas de réponse univoque, précisément, aussi y a-t-il toujours des raisons d’être aux côtés de Rousseau…