Offre de thèse de doctorat
Vers la neutralité carbone : Modélisation économique et environnementale des systèmes d’élevage laitier pour une filière lait climato-intelligente (Nord-Ouest de la France : Hauts-de-France, Normandie, Bretagne)
Etablissement d’accueil : Institut Polytechnique UniLaSalle (campus de Beauvais)
Unité de Recherche : InTerACT – Innovation Territoire Agriculture et Agro-Industrie, Connaissance et Technologie
Ecole Doctorale : Ecole Doctorale de l’Université de Technologie de Compiègne
Encadrants : Amal ASKRI, Loïc SAUVÉE
Date de démarrage : Septembre/Octobre 2023
Mots clés : Ferme intelligente pour le climat, GES, Décarbonation, Système d’élevage, Modélisation, Simulation
Contexte et problématique de Recherche :
L’actualité météorologique, scientifique et politique ne cesse de rappeler à quel point le changement climatique est devenu un enjeu économique et social majeur. La probabilité d’atteindre le seuil de +1,5°C de réchauffement en 2050 par rapport à la température moyenne du dernier siècle est importante. Ce réchauffement s’accompagne d’une augmentation de la fréquence des canicules, des sécheresses et des précipitations intenses qui se renforceront d’ici la fin du siècle et mettront à mal la survie des populations dans de nombreuses régions du monde et la sécurité alimentation mondiale. La séquestration de carbone dans le sol et la biomasse (Puits carbone) et la réduction des émissions des GES sont les seules pistes pour réduire l’ampleur des changements climatiques.
La France s’est fixé un objectif de neutralité carbone d’ici 2050, dans le cadre de sa contribution à l’Accord de Paris. Pour répondre à cet objectif, la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) de la France donne des orientations à long et à court terme pour réduire les émissions des GES. Pour atteindre cette neutralité carbone, les entreprises ont la possibilité d’échanger des quotas carbone (droits d’émissions de CO2) déterminés par l’autorité publique. Ce mécanisme d’échanges de droits d’émission, pour vendre ou acheter des quotas de CO2 a créé une incitation économique à réduire collectivement les émissions. Il est important de savoir que le marché de la compensation carbone comprend deux branches : le marché obligataire et le marché volontaire.
Le marché obligatoire est mis en place à la suite du protocole de Kyoto en 1997. Il vise à attribuer un seuil d’émission à ne pas dépasser pour chaque entreprise. Les entreprises qui dépassent ce seuil de pollution annuel (quotas) s’exposent à une forte amende.
À l’inverse la compensation volontaire s’adresse à des entreprises qui, sur la base du volontariat, vont tendre à l’exemplarité climatique en compensant leurs émissions de CO2 résiduelles (les émissions inévitables).
Ce marché présente l’avantage de ne pas être centralisé et ne présente pas de limite de crédits carbone disponibles. Le crédit carbone fonctionne comme un certificat attestant que ledit projet a bien évité ou séquestré une tonne de dioxyde de carbone équivalent (tCO2e). Bien que ces crédits soient labellisés par différentes certifications, de nombreuses critiques de Greenwashing sont adressées aux entreprises qui ne prêtent pas attention à la fiabilité de la certification. Pour pallier cette problématique et encourager les entreprises à compenser leurs émissions, de nouveaux labels plus fiables, qui exploitent des modèles agronomiques de calcul uniques et certifiés, sont mis en place directement par les gouvernements comme le Label Bas-Carbone en France qui est un cadre de certification carbone volontaire. Il permet d’encourager les développeurs volontaires de projets de réductions d’émissions de gaz à effet de serre (GES) et de séquestration du carbone dans les sols et la biomasse et les rémunérer. Or la rémunération de CO₂ équivalent séquestré ou évité nécessite tout d’abord sa quantification, et ce de la manière la plus transparente et fiable possible. C’est là tout l’enjeu de cette démarche qui est de créer un cadre de suivi et de vérification des réductions d’émissions de GES pour une meilleure traçabilité de financement.
Le secteur agricole est le deuxième secteur le plus émetteur, représentant environ 20,6 % des émissions françaises de GES en 2020 soit 80,9 Mt CO2e (CITEPA, 2022). L’inventaire national des émissions françaises de GES attribue ces émissions à l’élevage (49 %) ; aux cultures (38 %) et aux engins, moteurs et chaudières en agriculture/sylviculture (13 %).
Une spécificité des émissions agricoles est qu’elles sont majoritairement d’origine non énergétique, et contrôlées par des processus biologiques. L’essentiel des émissions est constitué de méthane (CH4 46 %), principalement liées à l’élevage, et de protoxyde d’azote (N2O 40 %), principalement liées à la fertilisation des cultures. Les émissions liées à la consommation d’énergie du secteur représentent 13 % du total, (CITEPA, 2022). Compte tenu de son poids dans les émissions nationales, l’agriculture est donc appelée à contribuer à l’effort général de réduction des émissions de GES et à l’atteinte des objectifs fixés au niveau national et international (division par 4 des émissions en 2050 par rapport aux émissions en 1990).
Les leviers d’atténuation peuvent consister à modifier le système de production (par exemple en modifiant l’utilisation des terres, les rations alimentaires ou la taille des troupeaux) ou à adopter de nouvelles pratiques agricoles (comme le développement de l’agroforesterie intra-parcellaire ou l’utilisation d’inhibiteurs de nitrification, (Ben Fradj et Bamière, 2022)). Déterminer comment et à quel coût le secteur agricole français peut contribuer à l’effort national d’atténuation est essentiel pour concevoir des politiques rentables. Telle est l’ambition de ce travail de recherche.
Nous allons s’intéresser dans notre étude aux exploitations laitières inscrites dans la démarche Ferme Laitière Bas Carbone, avec l’objectif de réduire de 20% l’empreinte carbone de leur lait entre 2015 et 2025. On va se focaliser sur le nord-ouest de la France : les régions Hauts-de-France, Normandie et Bretagne qui ont un contexte socioéconomique et pédoclimatique différent et des dynamiques agricoles contrastées. Le choix de ces régions a été basé sur le constat de l’ampleur de l’impact des changements climatiques et sur la diversité de leurs systèmes d’élevage. La comparaison de comportement des éleveurs et leurs stratégies adaptées dans chaque région pour réduire les émissions de GES ne pourra qu’enrichir l’étude et aller en profondeur dans l’analyse.
Objectifs visés et résultats escomptés :
Pouvoir réduire les émissions des GES des élevages laitiers dans chaque région tout en maximisant les revenus des exploitations et identifier les pratiques d’atténuation adaptées pour chaque type d’exploitation, leur potentiel et leur coût : tels sont les objectifs principaux de ce travail de recherche.
Il consiste à :
• La réalisation d’une étude bibliométrique sur les freins et leviers d’atténuation des GES et de stockage de carbone et leur coût dans les différents systèmes d’élevage
• La réalisation d’un benchmarking sur les méthodes de quantification des GES et carbone fixé (les modèles antérieurs utilisés).
• Le Diagnostic et l’analyse des 3 régions (contexte pédoclimatique, potentiel agricole différents systèmes d’élevage existants, paramètres environnementaux…, en tenant en compte de toutes les composantes qui pourront influencer de loin ou de près la décision des éleveurs (approche systémique, pluridisciplinarité)
• L’analyse statistique de la base de données « fermes label bas carbone », la construction de la typologie des exploitations laitières inscrites dans cette démarche et l’identification des pratiques d’atténuation adoptées.
• La Construction d’un modèle qui pourra être mobilisé comme un outil d’aide à la décision qui nous permettra de réconcilier entre les objectifs économiques et les objectifs environnementaux : réduire les émissions des GES à différentes échelles (exploitation et région ou territoire) et pouvoir cerner et évaluer les pratiques convenables à chaque type de système d’élevage tout en maximisant le revenu de l’éleveur. Ceci il nous permettra de savoir : quels systèmes de production choisir ? quelles pratiques adopter ? quels facteurs de production mobiliser ? quelle quantité de GES émise ? quelle quantité de carbone stockée ?
• La prise en compte du risque de changements économiques : volatilité des prix et changement climatique : variabilité des rendements : possible couplage avec un modèle agronomique pour estimer la variation des rendements.
• Le calibrage et la simulation des changements : après avoir construit et calibré notre modèle on pourra simuler plusieurs politiques ou scénarii ce qui apportera à notre étude un aspect prospectif pour mieux anticiper les changements futurs.
Méthodologie proposée :
Nous voulons dans ce travail de recherche modéliser le fonctionnement de différents types d’exploitations d’élevage inscrites dans la démarche label bas carbone, dans les 3 régions pour évaluer l’efficacité et le coût des leviers d’atténuation adaptés afin d’atteindre les objectifs climatiques du secteur. L’idée est de comprendre la façon dont les éleveurs font leurs choix pour réduire leurs émissions, d’identifier les déterminants clés, le degré de flexibilité de leurs décisions en prenant en compte des changements probables de l’environnement extérieur (politique de prix, politique énergétique, changements climatiques : variabilité des rendements …).
Pour ce faire, nous envisageons de développer un modèle d’optimisation mathématique (PM : programmation mathématique) hybride, dynamique, qui modélise le fonctionnement des différents types d’exploitation. Ces exploitations seront considérées comme les unités de décision avec leurs ressources et leurs propres technologies. Les résultats du modèle seront analysés pour chaque type d’exploitation avec la possibilité d’agrégation à l’échelle de la région (ou territoire) en fonction de la pondération que présente chaque type d’exploitation. Nous aurons donc deux échelles d’analyse : individuelle (exploitation agricole) et régionale ou territoriale. (Van Delden et al., 2011). Ce modèle maximise le revenu des éleveurs sous une contrainte d’un niveau d’émissions nettes de GES. Tout en tenant en compte du risque de variation des prix et des rendements d’où la possibilité d’un couplage « soft » avec un modèle agronomique.
Une originalité de notre approche est que nous considérons à la fois les changements dans les pratiques agricoles et dans les systèmes de production, une autre originalité est que nous prenons en compte simultanément des émissions de GES et la séquestration du carbone (Ragot and Schubert, 2008., Haim et al, 2014., Feng et al, 2002., Coleman et Jenkinson., 1996). Par ailleurs, dans ce travail de recherche, nous modélisons la séquestration du carbone de manière dynamique. Une troisième originalité est que cette modélisation intègre deux échelles : l’échelle exploitation et l’échelle région ou territoire, car on suppose que les exploitations agricoles peuvent interagir les unes avec les autres (échange de facteurs de production par exemple) dans un territoire, ce territoire pouvant contenir des opportunités ou des contraintes capables d’influencer le fonctionnement de l’exploitation agricole. Ce choix de modèle hybride relève deux principaux défis méthodologiques qui sont 1) la prise en compte de l’hétérogénéité des exploitations et 2° le calibrage du modèle après agrégation (upscaling). Ce modèle constituera un outil d’aide à la décision, permettra également de réaliser la simulation de plusieurs scénarii (politique de paiement, nouvelle règlementation…) et pourra donc être utilisé comme moyen de prospection.
Présentation de l’organisme d’accueil
L’institut polytechnique UniLaSalle, fondé en 1854, fort de 4100 étudiants, de 520 personnels et de 22000 alumni, est un établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (EESPIG) situé sur quatre campus Beauvais, Amiens, Rouen et Rennes. Au travers de sa recherche, au sein de six unités et dans le cadre dans sa stratégie et ses cinq principaux engagements pour la transformation écologique et sociétale.au service des entreprises, des filières et des territoires, UniLaSalle bénéficie d’un environnement physique et humain favorable à l’émancipation et au développement de la recherche : école dans le TOP 10 happy School ; 200 ha d’espaces paysagers et cultivés ; plateformes de recherche ; FabLab en agriculture ; exploitations agricoles pilotes ; réseau de partenaires publics et d’entreprises (+ de dix chaires de formation et de recherche).
La présente thèse sera réalisée au sein de l’unité de recherche InTerACT (Innovation Territoire Agriculture et Agro-Industrie, Connaissance et Technologie) qui est une Unité propre de l’Institut UniLaSalle (UP 2018.C102). Cette unité porte un double objectif. Premièrement, d’améliorer notre compréhension des processus d’innovation dans l’agriculture, l’agroalimentaire et l’agro-industrie, dans une perspective de transition vers des agroécosystèmes durables intégrés dans les territoires. Deuxièmement, comprendre les conditions économiques, sociologiques, sociotechniques et organisationnelles de ces mutations à l’échelle des entreprises, des filières et des territoires. L’unité InTerACT est soutenue par le développement de 8 chaires industrielles formation et recherche, dont la chaire « Mutation des filières d’élevage et enjeux sociétaux » soutenue par le Groupe Avril. L’unité est également conventionnée avec l’École Doctorale de l’Université de Technologie de Compiègne (UTC) dans laquelle la présente thèse sera inscrite.
Encadrement
Amal ASKRI : Dr. Enseignant-Chercheur en sciences économiques, InTerACT ; Loïc SAUVÉE, Dr. Enseignant-Chercheur HDR en sciences de gestion, Directeur de l’unité de recherche InTerACT ; Michel DUBOIS, Dr, HDR, référent pour l’Ecole Doctorale UTC et Expert Référent en sciences de l’agriculture, InTerACT, UniLaSalle. Un co-encadrement à l’international est envisagé.
Profil recherché
Ingénieur en économie agricole avec des bonnes compétences en modélisation mathématique ou Master 2 en modélisation économique et environnementale. Compétences demandées : rigueur, curiosité scientifique, bonne organisation de son temps, bonne communication, connaissance ou intérêt pour les enjeux climatiques et environnementaux (décarbonation, réduction des émissions des GES…), appétence pour la modélisation, connaissance en agronomie et idéalement en élevage, bon niveau d’anglais écrit et parlé, maîtrise des statistiques appliquées et du logiciel R. Le dossier de candidature, constitué d’un CV, de vos relevés de notes de Master ou 4ème et 5ème année post-bac ingénieur et d’une lettre de motivation, est à envoyer par email avant le 30 juin 2023 à Amal ASKRI amal.askri@unilasalle.fr et Loïc Sauvée loic.sauvee@unilasalle.fr
Le ou la doctorant(e) sera présent(e) 100 % de son temps à UniLaSalle (campus Beauvais).
Rémunération :
Salaire mensuel brut : 2100 euros, revalorisation annuelle de la rémunération considérée. Cette thèse est co-financée par UniLaSalle et la Région Hauts-de-France.
Durée du projet :
Trois ans, du 1 er sept 2023 au 31 août 2026.
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